lundi 3 juin 2013

Connais-tu Lumumba ?


Cette interrogation sonne comme un coup de massue sur la tête du jeune congolais. Car sa réponse bafouille, il a entendu parler du personnage mais ne sait réellement pas ce qu’il a été et ce qu’il représente pour le Congo, l’Afrique et le monde des opprimés. S’il en a entendu parler, c’est plus par des biais détournés. Une pièce de théâtre l’a immortalisé, Une saison au Congo  du poète
martiniquais, Aimé Césaire. Tous les moyens étaient bons pour ruiner le prestige de cet homme de 36 ans. Les études des lettres par lesquelles, la jeunesse pouvait prendre conscience ont été négligées sous le régime de Mobutu et le même sort poursuit ceux qui s’y risquent jusqu’aujourd’hui. Le livre de Césaire a vite été censuré ; pendant la dictature, il se lisait sous le manteau car sous ce régime inhumain, ce nom était tabou. Et pourtant, c’est le dictateur qui l’élève au rang de héros national. Quel paradoxe !
 
En fait, Mobutu a joué le malin en usant d’une véritable opération des relations publiques pour tenter de soigner son image auprès du peuple. Pour deux raisons : la première est qu’il était toujours conscient de son rôle dans l’élimination physique de Lumumba. Une ingratitude à l’image de celle de Judas alors que c’est Lumumba qui en fait un colonel puis le chef d’Etat-major général des armées. La deuxième raison, est qu’après avoir perturbé l’ordre constitutionnel du pays par son coup d’Etat, il se devait de se racheter en accordant à Lumumba le prestigieux statut de héros national tant la ferveur populaire pour ce personnage était loin de retomber. Mobutu réalisait combien la prophétie de Patrice Lumumba s’accomplissait. En effet, dans une de ses dernières déclarations, Lumumba prédit que s’il « devait disparaître, dans toutes les villes, les villages et les forêts du Congo, tout un peuple continuera à le croire vivant, à attendre patiemment son retour, des années s’il le faut, pour les délivrer d’un néocolonialisme acharné à sa ruine. »

Aujourd’hui, depuis la chute de la dictature, c’est un pouvoir qui se réclame de Lumumba qui dirige le pays. Et chaque 17 janvier, des commémorations sont organisées pour honorer la mémoire de ce vaillant fils du pays qui a osé narguer le capitalisme mondial et tout le système oppresseur qu’il a mis en place. Et puisque ces vautours n’aiment pas être contrariés dans leur élan de prédation, ils ont purement et simplement étouffé la voix qui les gênait en tentant d’attirer l’attention sur la vaste spoliation des richesses du pays.
Mais la commémoration du 17 janvier 2013 comporte un autre relief. Elle a lieu au moment où une révision du procès de Lumumba a été introduite par sa famille biologique auprès du gouvernement belge, responsable direct de sa mort tragique. Pour éclairer la gouverne des jeunes, quelques questions méritent d’être posées. Quelle est la substance de la pensée de cet homme politique et pourquoi n’est-elle pas enseignée dans nos écoles ? Pourquoi le lumumbisme national n’a-t-il pas revendiqué la réouverture de ce procès plutôt que sa famille biologique ?

 
Un prophète adulé mais méconnu 

Nul n’est prophète chez lui nous rappelle un vieux dicton populaire. Très peu de jeunes congolais ont une idée de la pensée de Lumumba. On l’a vu avec Moncef Marzouki qui a développé un dithyrambe en l’honneur de Lumumba lors du sommet de la Francophonie.  Mais nous, jeunes congolais réclamons haut et fort de connaître ce grand prophète qui a travaillé à la libération de notre pays du joug colonial. A l’instar de tous les grands leaders du monde qui ont beaucoup fait pour leur pays sans attendre quoi que ce soit en retour, nous entendons tout connaître de sa pensée afin de continuer son combat. Et comment poursuivre le combat dès lors que nous ne savons pas où le sien s’est arrêté ?

L’actuel pouvoir se réclamant de l’héritage lumumbiste doit, sans hésiter, travailler à faire connaître la pensée de grand-père Patrice. Il n’y a plus aucun obstacle car ses accusateurs eux-mêmes admettent aujourd’hui s’être trompés sur les motivations communistes de Lumumba. Mais ceci n’est qu’un prétexte. Les vraies raisons sont dans la mainmise que les puissances impérialistes veulent avoir sur nos matières premières. Et parce que ces matières premières sont éparpillées dans différentes provinces du pays, elles arment des congolais pour tuer d’autres congolais comme Patrice Lumumba l’avait prédit pour sa propre fin : « Si je meurs demain, c’est parce qu’un blanc aura armé un Noir. » Cette tactique est mise en œuvre chaque fois que l’on veut bâillonner une voix dérangeante. Ce fut le cas tout récemment pour Mzee Kabila et pour bien d’autres congolais qui n’entendent pas céder le moindre centimètre carré de leur territoire afin de respecter le testament du grand-père Patrice : « A mes fils, que j'ai quittés peut-être pour ne plus jamais les revoir, je veux qu'on dise que l'avenir du Congo est beau et qu'il attend d'eux et de tous les Congolais la réalisation de la tâche sacrée de reconstruire notre indépendance et notre souveraineté ; parce que sans dignité il n'y a pas de liberté ; sans justice il n'y a pas de dignité et sans indépendance il n'y a pas d'hommes libres. »

 
Des concepts-clés émergent de cette parole d’adieu : la souveraineté, la dignité, la liberté, la justice. Chacun de ses mots a aujourd’hui une résonance particulière. Notre souveraineté est menacée par une volonté manifeste de balkanisation du pays de Lumumba. Notre dignité est foulée aux pieds par des prédateurs corrompus et armés par l’étranger pour pousser des millions de congolais à l’errance dans leur propre pays ; ce que Lumumba avait déjà prédit dans son discours du 30 juin 1960. Aujourd’hui, l’être du congolais n’a pas de considération due à un humain. Un kilo d’or ou de coltan vaut plus que la vie d’un citoyen congolais. Lesmillions de congolais morts du fait de cette course effrénée pour le coltan fait de notre pays celui des génocides oubliés. On a fait très peu de cas du génocide de Léopold II à cause du caoutchouc ; l’aveuglement capitaliste est en train de réitérer cette performance macabre au Congo au nom du coltan. Non, nos richesses ne sont pas et ne doivent pas constituer pour nous une malédiction.

En plus, la justice nous est sélective. On semble l’appliquer à notre faveur quand cela arrange les affaires des prédateurs. Dans le cas contraire, on crie au scandale ; on évoque toutes sortes d’artifices parce que les dirigeants congolais du moment ne rentrent pas dans leur schéma. Tous les crimes dont l’horreur est indescriptible sont couverts et la moindre bavure policière congolaise, pourtant apanage de toutes les polices du monde, est amplifiée comme au temps où le Congo était présenté comme la terre où régnaient les ténèbres. Ils font tout pour occulter la voix de Patrice, mais elle résonne plus fort qu’avant et nous appelle à plus de détermination pour bâtir notre pays, plus beau qu’avant. Pierre Corneille avait raison de dire : « Une tête coupée en fait renaître mille. » Qu’on donne à la jeunesse la quintessence de la pensée de Lumumba et l’on verra qu’il en renaîtra plusieurs autres petits Lumumba.

Lumumba, le jeune et l’avenir

La détermination de Patrice doit habiter tout jeune congolais. L’avenir du Congo était le leitmotiv de l’agir de Lumumba. Cet avenir, il le voulait beau et brillant au soleil. C’est pourquoi il se sacrifie jusqu’à interdire à sa compagne de ne pas pleurer pour lui. Or l’avenir d’un pays c’est sa jeunesse. Cette jeunesse doit s’abreuver à une source idéologique cohérente et disposant d’un idéal pour le pays. La pensée de Lumumba est cette source dont on veut empoisonner les eaux pour que s’éteigne à jamais la revendication de l’instauration d’un Etat congolais prospère. Le chemin ne sera pas facile ; il sera parsemé d’embûches de toutes sortes. Si au sujet de grand-père Patrice, on a beaucoup menti, il en va de même aujourd’hui pour cette jeunesse que les ennemis internes essaient de manipuler pour le détourner de l’idéal nationaliste. L’avenir du pays c’est la jeunesse, notre revue Avenir entend donc assurer un avenir à ces milliers de jeunes lecteurs congolais en leur inculquant quelques points forts de la pensée de Lumumba.

 Pour que Lumumba survive à jamais

 
Le Congo a régressé d’un point de vue patriotique. L’idéal nationaliste hérité de Lumumba n’est plus qu’un slogan. N’ayons pas peur de le dire. Mais ce serait infliger une seconde mort à Lumumba que de ne pas respecter le serment qu’il fait de ne jamais trahir le Congo. Et aux yeux de ses descendants qui nous observent, nous aurions tous été plus qu’ingrats. Aujourd’hui le nom de Lumumba sert de fonds de commerce politique ; les vrais lumumbistes sont à compter au bout des doigts et la trahison du Congo, pour une poignée de dollars, est devenue monnaie courante.

 A ce titre, nous sollicitons du Patriarche Gizenga qui a très bien connu Lumumba de transcender sa fatigue et d’en appeler à une sorte d’états généraux du lumumbisme où la carte de l’unification devrait être jouée. Ce qui existe aujourd’hui en cartels qui se combattent devrait fonctionner à l’intérieur d’un grand parti lumumbiste unifié comme de courants. C’est là une première manière de perpétuer l’idéal nationaliste nous légué par Lumumba.
La deuxième manière et celle-ci est transgénérationnelle, c’est de matérialiser son vœu de voir l’histoire de ce pays s’écrire sur place. Les historiens de ce pays, mais surtout les idéologues de tous les partis lumumbistes devraient travailler à rassembler tout ce qui peut constituer la pensée de Lumumba et la mettre à la disposition de la jeunesse. Pour cela, le seul livre de Lumumba, Congo, terre d’avenir devrait être réédité, même annoté puis vendu à un prix abordable ou au besoin distribué. De la sorte, des relectures scientifiques peuvent être amorcées pour réaliser combien cet homme providentiel avait vu loin avant tout le monde. Car ce qu’il dénonçait hier a encore cours à ce jour et notre indépendance n’est que nominale. Les chefs d’accusation portés contre lui ayant été balayés par l’histoire, il n’y a donc aucune raison que la pensée de Lumumba ne soit enseignée et ait également ses spécialistes locaux comme les ont tous les autres grands hommes politiques de l’histoire.   

      

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